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Tragédie Ogre

Chapitre cinq

V.

 

                                                Quelques heures

Plus tard, comme un tamis, dans la semi-noirceur

Se lovant dans l'éclat-soubresaut des lueurs

Noctambules des rues avant qu'elles ne meurent,

La porte grince, s'ouvre et laisse silhouette

S'approcher de la couche où Inès est sous couette.

La longue cape vient s'accroupir au chevet,

Une main aux cheveux, la voix vient murmurer

Son prénom, la réveille ; elle en sursaute et glisse

A l'autre bout du lit. Le parfum est complice

Et bientôt reconnu, le timbre est familier :

« Mon Mélilo, c'est toi ! »

                                  Le regard boursouflé

Qui pique à s'en frotter jusqu'au fond des orbites,

Elle revient vers lui, apprivoisant visite :

«  Qu'est-c'que tu fous ici ? Tu m'as mis le frisson !

Pis vas-tu démiscer le boutchou d'son ronron

Avec tes conneries ! Et s'il chiale...

                                                    - Je sais !

Pour ça qu'je suis ici ! Beber m'a raconté

La colère du père ! Samedi aube est vite !

Y as-tu trouvé à faire ? Que Mélilo palpite.

- J'ai-l-y déjà tenté la taie dans l'embouchure !

J'y peux pas, ça retient, je craque, c'est trop dur !

Autant laisser Malek l'égorger façon chien !

- Vas-t-en sonder l'Oracle... Il te dira quoi bien !

Je peux t-y emmener !

                             - Il ne faut pas qu'on sorte.

Sieu' Père a interdit que je passe la porte.

Le bébé doit partir mais si moi, il m'y chope,

Te laisse imaginer comment mon scalp écope ! »

Le parquet couine en lame et résonne au couloir.

Mélilo mets ses doigts, serrés comme un pressoir,

Sur la bouche d'Inès avortant dans l'esprit

De sa demi-frangine images des tueries

Dont le Père et Malek se sont vantés souvent,

Feuilletant faits divers comme un c.v sanglant.

Ce silence-complot avale aussi le son

Qu'ils prirent pour menace et tut la discussion.

Point d'insistance alors de ce bruit parasite.

Ce doit être souris, ou mauvais djinns ou mites,

Autochtones nourris des vétustes planchers,

Insomniaques farceurs, noctambules zélés,

Fantômes ennuyés, errant dans les couloirs

En quête de potins et de sales histoires.

Mélilo coupe-court aux spectres clandestins :

« Vas-t-en sonder l'Oracle ! Il te dira quoi bien !

Dans la nuit de demain, je viendrai te chercher...

Qu'en dis-tu ?

                    - Je n'sais pas. »

                                          L'Oracle, lui saurait,

Que conclut Mélilo en mendiant la confiance,

En bisoutant son front, en convoquant la chance,

En redressant enfin sa plate silhouette

Que les feux du dehors vêtissent de paillettes,

De reflets scintillants, d'arabesques chans'lantes.

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