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Tragédie Ogre

Chapitre quatre

IV.

 

La nuit suivante, Inès presse son oreiller

Sur la bouille inouïe, tragique et boursouflée,

Sereinement tordue et rêvassant du gosse.

Les bras tout biscornus s'agitent par chaque os.

Ses doigts tout boudinés se crispent et tandis

Qu'il retourne au néant, proche de l’asphyxie,

L'idée du « c'est trop tard » lui empêche le crime

Et relâche ses mains autant que leur victime.

Dégagé du tissu, polyesther de chine,

L'enfant pleure et se plie de toute son échine.

Petit Cul, effondrée, se tourne en intérieur

Où susurrent les voix, à la grecque, d'un chœur :

« Il n'est pourtant quechi, cet enfant de malheur,

Quechi qu'un bout de rien qui enveloppe un cœur.

Saura-t-il un beau jour pourquoi c'est-y qu'il bat ?

Quechi que vocation à souffrir, celui-là!

Comment grandira-t-il avec cette apparence

Où le monde n'est plus que narcissique errance ?

Les gamins n'ont le temps qu'à soigner leur profil

Pour régner sur la toile où l'araignée fait fil,

Suceuse cannibale en temps d'cerveaux dociles,

De quequettes sans poils et d'exposés nombrils.

Va-t-y falloir se vendre avec ces circonstances !

Les hommes-éléphants paient leurs protubérances.

Et à parler d'enfant, cruel aux différences,

L'adulte est beaucoup plus sournois dans sa violence.

Il est juré à perte. Envoie-le donc valser !

Délie-le d'un destin déjà tout dessiné !

Ne t'attendris pas tant sur cette créature...   

- Taisez-vous ! » Qu'elle éteint, en larmes, sa brûlure.

L'enfant est libéré du coussin qui le perd,

Comme on reprend le goût désespéré de l'air,

Haletant et hurlant. Sa maman le regarde

Et merde mon enfant, tous deux qui décauch'mardent :

Qu'importe, il sera beau plus tard, on a la vie

Pour être beau, il l'est, déjà ! puisqu'il s'agit

De son enfant, qu'il vit et qu'il vivra longtemps !

Quant à la cruauté, ça lui fera les dents.

Elle l'aime à en rire et deux ultimes gouttes,

Imbibées de gaîté, assèchent peine et doutes,

Une à une, première invitant tendrement

L'autre dans sa coulée le long de son teint blanc.

Le nourrisson, bien que n'y voyant que le flou

Des formes sans contour, n'y comprend rien du tout ;

Un lutin rescapé ignorant cause et faits

Et ne saurant jamais qu'il est miraculé,

A quelle fée il doit l'instinct de sa survie.

D'une moue pleurnicharde, un sourire jaillit

Mais ses yeux attisés garderont cet obscur

Mystère des traumatisés, cette fêlure,

La plaie cicatrisée dans le tempérament.

Ce regard, le voilà, aiguisé, transperçant.

Sa mère, c'est son tour de l'asphyxier d'amour.

Elle s'endort enfin comme il a vu le jour.

En ce sommeil, le corps se remémore et geint :

Son vagin oublié implose dans son sein,

Mais ce n'est rien, passons, elle est comme une enfant

Qui serre son doudou, tout doux et consolant.

Il est là, elle peut plonger dans la nuit sombre.

Sois tranquille, maman te protège des ombres.

Jusqu'à ce samedi, tout au moins.

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